C'est l'histoire d'une flaque d'eau sentimentale qui tombe amoureuse d'une Lune froide.
Cette Lune est froide, parce qu'elle broie du noir et sent son corps disparaître sous la pression de son néant. Cette Lune est triste parce que son amant l'aime en coup de vent, parce qu'elle veut vivre dans un monde où les sentiments n'ont plus leur place.
Morceau 1
Mme Dermond .- Je ne comprends pas un traître mot de ce que vous me susurrez, Lucien mon petit! Pourquoi faut-il toujours amener du sentiment dans une situation qui se suffisait tellement bien à elle-même?
Je n'ai pas peur de tomber amoureuse vous savez. C'est en fait une chose que j'exclus totalement.
Lucien Fondrière .- Vos lèvres me font en fait un peu peur quand elles parlent ainsi. Comment pouvez vous donc être si sûr de ne jamais aimer? Vous vous méprenez totalement sur la nature et la puissance de ce sentiment, sauf votre respect, doux quartier de miel.
Mme Dermond .- Ah! Ne me parlez donc point ainsi! Vous me faites rire et puis vous me dégoûtez un peu aussi! Je vous vois, là, étalé et languissant, tout humide de... sentiments! Allez donc parler à d'autres, plus naïves et ignorantes que moi!
Voyez-vous, en amour comme en toute autre chose sur la terre, tout est toujours question d'illusion. Un jour un petit homme a fait un joli rêve et l'a transposé dans le monde réel. Il a trouvé des émules qui ont adoré ses simagrées et les ont alimentées de textes, de réflexions et de poèmes. Tout le monde est tombé dans le panneau depuis des années. Tout le monde a cru à l'amour. Les gens se sont bousculés pour être les plus parfaits modèles de ce sentiment, bien après que son inventeur n'ai passé l'arme à gauche. Mais aujourd'hui, Dieu merci, le monde a fait des progrès. Le monde ne se divise plus qu'entre quelques éternels rêveurs plus ou moins rimeurs qui n'ont pas ouvert les yeux, et la majorité de ceux qui, bien conscients du facteur psycho-biologique qui attire les êtres entre eux, ne considère plus que la chose sans voile, c'est-à-dire la chair et ses plaisirs, dans sa plus nécessaire mais naturelle crudité. Les êtres comme vous demeurent en quelque sorte étendus à réfléchir des lumières empruntés qui les dépassent complètement. Je ne dis pas ça pour vous blesser mon petit!
Lucien Fondrière .- (troublé) Vous êtes ronde. Vous ne savez plus ce que vous dites.
Mme Dermond .- Non, non, mon petit Lucien. C'est vous qui ne savez plus quoi me dire. Vous, vous êtes un petit sentimental au fond, qui ne supporte pas que l'on puisse briser ses rêves. Vous êtes mignon quand vous ne parlez pas trop. Mais devant votre faconde actuelle, je ne peux m'empêcher de vous trouver lassant.
Lucien Fondrière .- Si vous acceptiez, ne serait-ce qu'on instant, d'aimer sans retenue ni doute de tout votre cœur si blanc, peut-être seriez-vous agréablement surprise.
(décontenancé, cherchant à se défendre) Vous vous croyez forte parce que vous avez érigé des barrières autour de vous-même et que vous vous êtes mise hors de porté. Mais qui sait réellement ce que vous marmonnez dans les ténèbres sans fonds de votre boudoir? Car oui, je sais bien comme vous êtes triste. Ne voudriez-vous donc pas vous détourner un instant votre course pour vous occuper de sujets plus gais?
Mme Dermond .- Entre la tristesse désillusionnée et la candeur joyeuse, il faut savoir choisir mon petit.
Mme Dermond se dissimule derrière un nuage, plongeant Lucien Fondrière dans les ténèbres de sa solitude.
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